Iconoclash- fabrication et destruction des images en science, en religion et en art
- Une exposition internationale au ZKM Karlsruhe RFA et un livre publié, pour loccasion, par ZKM & MIT Press [mai 2002] sous la direction de Bruno Latour & Peter Weibel -
exposition : 4 mai 4 septembre 2002
conférence de presse :: 3 mai 2002, 11 h
inauguration : 3 mai 2002, 19 h
Pourquoi icono-clash et pas clasm ?
Liconoclasme détruit une image, une icône, une représentation. Devant ce geste on ne peut que se réjouir ou sindigner. Dans un icono-clash néologisme inventé pour la cause on ne sait pas ce qui sest passé, le plaisir et la fureur se trouvent suspendus ; leur font place le doute, linquiétude et lincertitude sur ce qui se passe vraiment quand on veut produire ou détruire des représentations.
Quand et où ?
Cest une exposition internationale qui ouvrira le 3 mai 2002, pour au moins trois mois, au centre pour lart et les médias [ZKM] en Karlsruhe [Bad-Wurtemberg], à une demi heure de Strasbourg. Elle est dirigée par Peter Weibel, animée par Bruno Latour et menée à bien par les équipes du ZKM dirigées par Sabine Himmelbach et Gregor Jansen.
Conçue par qui ?
Un groupe de commissaires appartenant à des disciplines et des pays divers a été rassemblé par Bruno Latour pour imaginer une visualisation originale de ce sujet ambitieux. Il sagit de Peter Galison [USA], Dario Gamboni [Suisse et Hollande], Joseph Koerner [USA et Angleterre], Adam Lowe [Angleterre ], Hans Ulrich Obrist [Suisse et France]. Un réseau très large de spécialistes et dartistes a été mobilisé, dont Marie-José Mondszain [France], Simon Schaffer [Angleterre ], Heather Stoddard [Franc], Hans Belting [Allemagne], Boris Groys[Allemagne] et Denis Laborde [France et Allemagne].
Quel est le but ?
Le but de lexposition est de mesurer à nouveau la confiance et la méfiance que nous avons dans les images et, plus largement dans les procédures de représentation, en confrontant systématiquement les pratiques de construction et de bris dimages en science, en religion et en art.
Lhistoire occidentale a été obsédée depuis toujours par cette alternative impossible : « Si seulement nous pouvions nous passer de toute représentation ; nous ne pouvons pas nous passer de représentation ». Doù une frénésie particulière et une passion à la fois pour et contre les images qui a pour effet une fécondité sans égale.
DAbraham aux Talibans, de Galilée à Einstein, de Piero à Duchamp, cette obsession pour et contre les images sest manifestée de mille façons contradictoires que ce soit en science par le refus de lintuition au bénéfice du formalisme, en religion par les violentes querelles iconoclastes, en art moderne et contemporain par la dispute, incessamment rejouée, pour et contre la représentation et ses multiples avatars.
En comparant ces obsessions dans trois domaines dont les productions sont rarement rassemblées en un même lieu, lexposition vise à transformer liconoclasme dune ressource indiscutable en un sujet de discussion, voire de méditation. Plus largement, elle vise à remettre en question les évidences de lesprit critique et à suspendre, pour un temps, le geste iconoclaste. Quand le bras du critique frappe les faux-semblants, les croyances, les intuitions, quoi dautre se trouve détruit ? Quand on a frappé les idoles, quest-ce qui sest trouvé détruit par erreur ?
Comment se distingue-t-elle dautres expositions ?
Il y a déjà eu quelques excellentes expositions sur lhistoire de liconoclasme en art ancien et en théologie, dinnombrables expositions iconoclastes contre les différentes formes dart et de représentation, et de nombreux efforts pour montrer le lien entre art et sciences. Mais jamais on na montré dans le même espace les nombreux « clashes » entre toutes ces formes de pratique, les interférences quelles forment entre elles, les transformations quelles peuvent faire subir à la notion même de représentation et de médiation.
Pourquoi inclure les sciences ?
Parce que les sciences produisent aujourdhui les plus puissantes représentations de la réalité et quelles napparaissent justement pas comme des images, bien que, elles aussi, reposent sur une fabuleuse productions dinscriptions et dinstruments de toute sortes. La confiance quon a dans les sciences et dans la cascade de médiations graphiques nécessaires à lobjectivité, permet de comprendre dautres pratiques de fabrications dimages.
Pouquoi inclure les images religieuses ?
Parce que jusquà nos jours, partout dans le monde, ce sont les images sacrées, sous toutes leurs formes, qui entraînent les plus grandes passions, quelles soient destructrices ou protectrices. Cest encore aujourdhui, à propos des images religieuses que se mesurent le mieux ce que nous chérissons, haïssons, protégeons, méprisons.
Pourquoi inclure lart moderne et contemporain ?
Parce que jamais une expérience na été menée de façon plus systématique sur tous les éléments de la fabrique des images et, plus généralement des représentations, pour en critiquer, détruire, trier les éléments depuis la surface peinte elle-même jusquà la notion dauteur en passant par le musée, le marché de lart, la fonction critique elle-même.
Ce que nest pas Iconoclash
Ce nest pas une exposition iconoclaste, comme il y en a déjà eu tant, mais une exposition sur, à propos, voire contre liconoclasme. Toutefois, il ne sagit pas de renverser encore une autre idole, de détruire une image de plus, dexposer le vide dune représentation. Mais au contraire, de faire un arrêt sur image, pour se demander collectivement, ce qui peut bien animer la fureur iconoclaste.
Ce nest pas une exposition critique, mais une présentation de la critique comme pratique étrange, mystérieuse, inquiétante et, peut-être, datée.
Ce nest pas une exposition dart bien quelle inclut beaucoup duvres dart moderne et contemporain. Le but est plutôt de sinterroger sur une histoire de lart alternative. Que sest-il vraiment passé dans cette expérience fabuleuse de production et de destructions dimages ?
Ce nest pas une exposition sur les liens esthétiques entre les sciences et les arts, mais une exploration des raisons qui rendent les uvres savantes objectives et assurées.
Ce nest pas non plus un exploratorium scientifique à but pédagogique bien que lon trouve dans cette expositions quelques uns des plus beaux mécanismes de production de certitude savante.
Enfin, malgré lambition et loriginalité, il ne sagit pas dun parcours encyclopédique sur toutes les questions de liconoclasme. Ont été choisi seulement quelques icono-clashes particulièrement frappants visuellement et affectivement qui vont du Tibet aux laboratoires du CERN, des architectures dIsosaki aux retables protestants de la vallée du Rhin, des installations de Boltanski aux peintures de Manuel Franquelo, des uvres de Cranach aux statues de Staline.
Comment ?
Sur 3000m2, dans lespace rénové dune ancienne usine de munitions, un immense cabinet de curiosité a été monté en mêlant des uvres venues aussi bien des laboratoires, des églises et des temples que des ateliers et des musées.
Aux iconoclashes, une bande son provocante est ajoutée qui explore la « cacophonie » conçue par Denis Laborde, équivalents auditifs des nombreuses querelles sur limage. A chaque fois, que ce soit par le son, le film, la peinture, linstallation ou larchive, le visiteur est invité à occuper les trois positions divergentes : il doit pouvoir être repris par la fureur iconoclaste contre des représentations qui le scandalise ; il doit pouvoir entendre à nouveau la plainte de ceux dont les images chéries se trouvent rompues ; enfin, il doit pouvoir sinterroger sur les mille raisons qui font des images une telle source de passion.
Où cela mène-t-il ?
Le but de lexposition est daller au delà de la querelle des images en science, religion et art. De montrer par linterférence de ces trois domaines, de ces trois régimes de confiance et de méfiance, que dautres questions se posent à propos des images objectives, pieuses ou critiques ; que la question de leur destruction, dépassement, conservation nest pas forcément la plus intéressante ; que limpossible contradiction (« si seulement on pouvait se passer de représentation/on ne peut pas se passer de représentation ») nest pas la seule position